La garçonnière
Billy Wilder
La garçonnière est un film qui m'a beaucoup touché et que j'aime énormément. C'est un film magnifique sur le plan humain, le plus tendre auquel j'ai eu la chance de participer, et le faire a véritablement été un enchantement. L'idée de Wilder était de réaliser un film sur un homme tout seul dans la foule, d'exprimer sa solitude dans toutes les situations, et il a trouvé l'astuce d'en faire un employé d'assurances absolument anodin et de le perdre dans l'immensité d'un bureau rempli d'employés identiques. Plus le décor serait grand, plus l'homme paraîtrait petit. Mon problème était donc de construire le plus grand bureau du monde. Je suis allé voir tous les plus grands qui existaient aux Etats-Unis, à New-York surtout, mais rien n'était satisfaisant parce qu'ils étaient tous partagés en sections. Il fallait trouver une astuce et finalement j'ai dessiné un décor où la perspective jouait un grand rôle et que nous avons construit sur un plateau des studios Goldwyn. Le vrai décor, c'était le plafond entièrement en perspective forcée qui accentuait l'effet de profondeur et que j'ai fait fabriquer en aluminium très léger par des constructeurs qui ont vraiment réalisé une espèce de chef-d'uvre. La plupart des prises de vues avantageaient le plafond, ce qui offrait l'autre avantage qu'on devinait simplement le fond et que le spectateur se concentrait sur l'action des comédiens au premier plan. Ce procédé permettait simplement de deviner le fond, le spectateur se concentrant sur l'action des comédiens au premier plan. Le plateau sur lequel nous nous trouvions faisait soixante mètres par quarante et le jeu de la perspective créait l'illusion d'une profondeur de deux cents ou deux cent cinquante mètres, avec dans le fond des enfants derrière des machines à écrire miniature et même des petites silhouettes découpées que des mécaniques permettaient d'animer. Il suffit d'un petit mouvement pour faire la blague et l'arrière-plan n'a pas besoin d'être détaillé, il faut simplement qu'il complète correctement la vision. Le plafond était tellement intéressant en plus qu'il nous permettait de construire les petits décors des bureaux des chefs en le gardant en découverte et en utilisant simplement des panneaux vitrés qui découpaient l'espace. C'était toute l'astuce, mais je pense que ce sont les trucages les plus simples qui portent le plus et qui ont le plus d'impact.
Entretien avec Alexandre Trauner
"Intérieur de la garçonnière"
|